Une troisième branche pour le système nerveux autonome
Pendant très longtemps, nous avons appris que le système nerveux autonome était constitué de deux branches ayant des rôles opposés : le système nerveux sympathique qui joue le rôle d’accélérateur (augmentation de la fréquence cardiaque et des dépenses d’énergie notamment) et le système nerveux parasympathique qui joue le rôle de frein (réduction de la fréquence cardiaque et récupération).
Mais depuis les travaux d’un scientifique américain, professeur de psychologie et de neurosciences, le professeurs Stephen Porges, nous savons que notre système nerveux autonome est constitué de 3 branches !
Sa « théorie polyvagale des émotions » démontre que le système parasympathique (appelé également nerf vague) est en réalité double : nous avons en quelque sorte deux nerfs vagues !
Nous possédons donc un système nerveux sympathique et deux systèmes nerveux parasympathiques différents par leur anatomie et par leur fonction.
Le système nerveux parasympathique
Le parasympathique dorsal
Le plus ancien des trois dans l’évolution des espèces est le système nerveux parasympathique que l’on nomme « dorsal » car les noyaux d’où partent et arrivent ses fibres nerveuses sont situées en arrière du tronc cérébral (structure située juste sous le cerveau).
Vieux de 500 millions d’années
Il nous vient des premiers poissons primitifs vertébrés, il y a 500 millions d’années. Les reptiles, apparus il y a 300 millions d’années, possèdent un parasympathique dorsal particulièrement efficace. N’ayant besoin que de peu d’oxygène pour survivre, ils se protègent face aux dangers en réduisant de manière considérable leur métabolisme. Ils ne bougent plus, ne respirent presque plus, leur cœur ralentit considérablement. Ils font le mort et peuvent passer des heures sous l’eau.
Ce système fonctionne grâce à un neurotransmetteur appelé acétylcholine.
Ce mode de protection a été conservé par l’évolution et constitue l’un des deux mécanismes de défense disponibles chez les mammifères, dont l’homme. Pensez à la souris qui fait la morte dans la gueule du chat. Souvent les prédateurs n’aiment pas les proies mortes, contrairement aux charognards. Ils s’en détournent alors, tel le chat laissant retomber sa proie, qui en profite pour détaler à toute vitesse.
Il innerve de nombreux organes
Lorsque le système parasympathique dorsal n’est pas utilisé dans une fonction défensive, il s’occupe de tous les organes situés sous le diaphragme, donc essentiellement des organes digestifs, mais également un peu du cœur et des poumons, situés au-dessus (une activation trop forte de ce système dorsal peut conduire à un malaise vagal voire à un arrêt cardiaque par exemple).
Il s’active pour nous protéger
L’activation défensive de cette branche dorsale du système nerveux parasympathique se produit quand il nous est impossible de combattre ou de fuir le danger, quand nous sommes piégés et impuissants, ou quand nous sommes confrontés à un danger potentiellement mortel.
C’est l’ultime voie de secours. Ce mécanisme de défense est certes très utile pour les reptiles et d’autres espèces, mais chez l’être humain, il possède quelques inconvénients.
Comment savoir quand cette ultime défense se met en route ?
Je peux me sentir seul, désespéré, abandonné, épuisé, sans affect, avec le sentiment de ne plus exister. L’activation de cette branche dorsale, ancienne, de notre système nerveux parasympathique peut se traduire par un manque d’énergie, une envie de s’isoler sans plus bouger, une sidération, une dissociation, des troubles de la mémoire ou une dépression.
Ma capacité d’évaluer la situation et de prendre une décision adaptée est fortement compromise. Sans parler des problèmes sexuels et digestifs parfois invalidants.
Tout ceci explique pourquoi une personne agressée et impuissante à se défendre tombe dans un état de sidération, ou de dissociation, d’immobilité, de soumission. Malheureusement, l’évolution n’a pas doté l’être humain d’un moyen facile pour se sortir de cet état !
Le système nerveux parasympathique ventral
Ces deux systèmes de défense vus ci-dessus sont normalement, quand tout va bien, désactivés par la troisième branche de notre système nerveux autonome : la branche parasympathique ventrale (les noyaux d’où partent et arrivent ses voies nerveuses sont localisées plus en avant du tronc cérébral).
Une apparition plus récente
Ce système parasympathique ventral n’apparait dans l’évolution qu’avec les mammifères, il y a 200 millions d’années. Il innerve le cœur (c’est lui qui ralentit en permanence notre fréquence cardiaque d’environ 10 à 20 pulsations par minute, ce qu’on appelle le frein vagal), les poumons, les bronches, la trachée, la partie haute de l’œsophage, les muscles du pharynx, du larynx et du palais, et l’oreille externe.
Il travaille en étroite collaboration avec les nerfs crâniens qui innervent les muscles du visage (nerf facial), les muscles du cou et le trapèze (nerf accessoire) et l’oreille moyenne (nerf glosso-pharyngien).
Tout cet arsenal neurologique nous permet de tourner la tête vers ceux à qui l’on s’adresse, de leur parler, de leur communiquer nos émotions tant verbalement que par nos mimiques faciales et de comprendre les leurs en les regardant et en les écoutant.
Le système d’engagement social
Stephen Porges a découvert que ce système vagal ventral était la clé de voûte de ce qu’il a appelé le système d’engagement social car il permet toutes ces interactions « face-à-face ».
Grâce à lui, je me sens connecté aux autres, engagé dans ce que je fais, curieux, à l’aise, organisé et créatif. Je me sens heureux, plein d’espoir. Le monde me parait paisible et plein d’opportunités, accueillant.
Ma respiration est complète, ma fréquence cardiaque et ma pression artérielle sont bien régulées, ma digestion fonctionne bien, tout comme mon sommeil et mon système immunitaire. Je peux me concentrer sur les conversations amicales, j’ai une vue d’ensemble, je peux réaliser mes projets, jouer, me sentir productif. Je peux vire et aimer, que je sois seul ou avec les autres.
Mais pour activer ce système d’engagement social, je dois me sentir en sécurité et mon corps ne doit percevoir aucun signal de danger. Les mécanismes de défense sympathique ou parasympathique dorsal sont alors désactivés.
Précision encore que la maturation de ce système parasympathique ventral puisse être défaillante chez le prématuré (ce qui explique les problèmes de déglutition et certaines morts subites par activation défensive du système parasympathique dorsal qui produit un arrêt cardiaque)
Le système sympathique
Le second des deux mécanismes de défense apparu dans l’évolution est le système nerveux sympathique.
Son activation déclenche la production d’adrénaline et de cortisol, les fameuses « hormones du stress ».
Une origine plus tardive dans l’évolution
Le système sympathique apparait d’abord chez certains poissons plus tardivement dans l’évolution, il y a 400 millions d’années. Contrairement au système précédent qui conduisait à une réduction du métabolisme, le système sympathique produit une augmentation du métabolisme : le cœur bat plus vite et plus fort pour envoyer suffisamment d’oxygène aux muscles pour leur permettre de faire face au danger. Le foie produit plus de glucose pour leur fouLe second des deux mécanismes de défense apparu dans l’évolution est le système nerveux sympathique.
Son activation déclenche la production d’adrénaline et de cortisol, les fameuses « hormones du stress ».rnir l’énergie dont ils ont besoin pour se mobiliser.
Si je peux, je me bats et dans le cas contraire, je fuis !
Une symptomatologie variée
Lorsqu’il est activé, le système sympathique peut produire de nombreux symptômes, tant physiques (tachycardie, douleurs diverses, problèmes de digestion et de sommeil, hypertension artérielle) que psychologiques.
Je peux me sentir devenir fou, incontrôlable, irritable voire furieux. Le monde me semble dangereux, hostile voire chaotique. Je peux me sentir angoissé, sur le qui-vive, à l’écoute des signaux de danger pouvant surgir dans mon environnement, incapable de me concentrer et d’écouter les voix amicales.
Le jeu et l’amour
Certaines circonstances permettent toutefois l’activation à la fois du système d’engagement social et de l’un des deux mécanismes de défense.
Lorsque deux enfants chahutent un peu vivement, pour jouer, ils peuvent se donner gentiment quelques coups, mais ils restent en étroite communication visuelle afin de s’assurer d’être toujours dans l’engagement social et non dans l’agressivité.
Le parasympathique ventral (l’engagement social) et le sympathique (la mobilisation) s’activent alors en même temps. Le jeu permet la mobilisation sans danger. Il peut d’ailleurs être compris comme un apprentissage : celui de passer, sans peur, par les trois états (engagement social, mobilisation, immobilisation).
Le jeu permet d’acquérir la capacité de co-réguler (réguler avec l’aide d’autrui) ses propres états émotionnels, en permettant l’immobilisation sans peur au contact des autres. Il fait le lit d’une capacité à la résilience.
De la même manière, l’amour nécessite l’activation conjointe du système d’engagement social (parasympathique ventral) et du parasympathique dorsal qui permet l’immobilisation nécessaire à la réalisation de l’acte sexuel. On comprend mieux pourquoi on retrouve de nombreux récepteurs à l’ocytocine (hormone impliquée dans l’accouchement et l’allaitement, mais aussi dans l’attachement) dans ces deux systèmes parasympathiques.
La souffrance
Malheureusement, de nombreuses personnes connaissent rarement cet état d’équilibre, d’engagement et de bien-être. Elles restent coincées dans une oscillation entre des mécanismes de défense actif (sympathique) ou d’effondrement (parasympathique dorsal).
Leur corps ne cesse de leur envoyer des signaux de danger qui sont en fait inappropriés, liés à des situations passées qui n’ont pas pu être intégrées ni digérées.
Elles sont devenues des expertes en défense. Mais ces mécanismes de défense se déclenchent de manière automatique, totalement inconsciente. Ce qui les rend d’autant plus douloureux.
La théorie polyvagale propose de comprendre par exemple la symptomatologie du syndrome de stress post-traumatique comme la conséquence d’un système d’engagement social dysfonctionnel associé à un seuil de déclenchement abaissé du système défensif de mobilisation ou du système défensif d’immobilisation. Ceci pourrait expliquer les différences de réaction chez des personnes victimes du même événement traumatique.
En cas de danger
Lorsque des signaux de danger sont perçus, une cascade de réactions se met en place :
- En premier lieu, le frein vagal se lève. De manière très rapide et tout aussi rapidement réversible, le cœur augmente sa fréquence afin de pouvoir faire face à l’éventuel danger. C’est un mécanisme souple et immédiatement disponible. Si la situation le permet, nous pouvons faire jouer notre système d’engagement social pour tenter de désamorcer le danger (on peut essayer de parler avec notre agresseur par exemple). Encore faut-il que le système parasympathique ventral d’engagement social soit bien mature, ce qui n’est pas toujours le cas chez les personnes ayant un attachement insécure (victimes d’abus sexuels répétés ou d’autres formes de maltraitances graves dans l’enfance par exemple). Cette levée du frein vagal permet de faire face au danger sans activer automatiquement le mécanisme de défense sympathique de mobilisation.
- Si la levée du frein vagal n’est pas possible ou pas suffisante, le mécanisme de défense sympathique de mobilisation s’active. Il permet de faire face au danger en luttant ou en fuyant (production d’adrénaline et de cortisol). Malheureusement, ce système est plus lent à se calmer et son activation trop prolongée (stress chronique) peut conduire à des complications cardio-vasculaires notamment.
- Si la lutte ou la fuite ne sont pas possibles, ou si le danger est potentiellement mortel, c’est le système parasympathique dorsal d’immobilisation qui se déclenche (sidération, soumission, dissociation, perte de connaissance).
La sécurité n’est pas synonyme d’absence de danger
Pour finir, il est important de préciser que se sentir en sécurité n’est pas synonyme d’absence de danger.
Trois conditions sont nécessaires pour se sentir en sécurité :
- Le système nerveux autonome ne doit pas être dans un état défensif (ni mobilisation sympathique ni immobilisation parasympathique dorsale).
- Le système d’engagement social doit être actif pour maintenir les deux autres systèmes dans un fonctionnement homéostasique, garant de la croissance, de la santé et du rétablissement.
- La voix de l’autre, ses gestes et ses mimiques faciales doivent transmettre des signaux de sécurité à notre système nerveux autonome.
En situation d’interaction sociale, l’organisme doit percevoir ces indices de sécurité pour activer son système d’engagement social et empêcher le déclenchement des mécanismes de défense.
L’organisme peut alors fonctionner dans sa « fenêtre de tolérance ».
La théorie polyvagale intégrée dans ma pratique pour réduire le stress et l’anxiété
- Je propose des exercices pour aider à réguler le système nerveux autonome et réduire le stress et l’anxiété par le bais de la sophro-relaxation. Ces exercices (respiration ventrale, pleine conscience…) serviront pour que la personne puisse les utiliser à tout moment en toute autonomie.
- La fascia-bioénergie permet de prendre conscience et de libérer des douleurs, tensions, nœuds émotionnels …travaillant à la fois sur le physique, le psychique (nos vécus émotionnels) et les énergies (ensemble des méridiens et points énergétiques). Cette pratique nous fait prendre conscience de l’impact du stress, de l’anxiété et des émotions sur notre corps, notre mental, notre vitalité et notre système nerveux. Le toucher fascia calme le rythme cardiaque et respiratoire.
- La thérapie EMDR permet de mobiliser le ressenti émotionnel par la stimulation du corps et aidera à libérer les émotions emprisonnées associées à des souvenirs traumatiques. Les traumatismes entraînant souvent des émotions intenses « bloquées » dans les réseaux neuronaux du cerveau, ce qui entraîne une détresse continue et des symptômes de SSPT. La théorie polyvagale nous apprend à identifier et comprendre les déclencheurs de stress et comment y faire face. L’EMDR active le système nerveux parasympathique via le nerf vague et
- Une alimentation saine et équilibrée module les réponses immunitaires et les réponses au stress
- L’accompagnement verbal aide à mieux comprendre et gérer ses émotions, favorisant une stabilité intérieure durable et à renforcer les relations positives dans notre vie pour réduire le stress et l’anxiété.
- L‘activité physique stimule le système immunitaire et favorise l’équilibre du système nerveux périphérique contrôlant toutes les fonctions du corps
- Stimuler le nerf vague pour faciliter la guérison par le biais d’exercices pour améliorer le bien-être physique, émotionnel et social
- Le massage : il existe un lien étroit entre le système nerveux et la peau… Le toucher favorise aussi l’expression des émotions bloquées et aide à se réconcilier avec son corps…
D’autres pratiques seront bénéfiques pour réguler le système nerveux autonome et à améliorer la réponse émotionnelle et comportementale :
- Exercices de mouvement : pratiquez des exercices de mouvement réguliers, tels que la marche, le yoga ou la danse. Ces exercices peuvent aider à réguler le système nerveux autonome et à réduire le stress.
- Chant ou musique : chantez ou écoutez de la musique relaxante pour aider à activer le système nerveux parasympathique ventral et à favoriser la relaxation…
Bref, en intégrant la théorie polyvagale dans son hygiène de vie, nous pouvons améliorer notre bien-être émotionnel en apprenant à mieux réguler le système nerveux autonome et à faire face au stress et à l’anxiété de manière plus efficace.